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étude sociologique de l'airsoft

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djmednatt [Team Rott]
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Message  djmednatt [Team Rott] Mer 5 Jan - 16:38

Voila une étude sociologique qui a été menée sur Suisse. C'est un peut long a lire mais interressant.

L’Airsoft, ou comment jouer à la guerre en étant fairplay

Présentation du projet :
Pour ce travail d’entretien et d’observation participante, je trouvais plus séduisant de pousser le défi intellectuel à essayer de comprendre un groupe ou une activité très éloignés de moi, de dépasser mes préjugés a priori plutôt conséquents. La contrainte d’étudier un groupe se réunissant au moins une fois par semaine m’a encouragée à m’orienter vers un groupe sportif, d’autant plus que d’étudier une équipe me permettrait éventuellement de rendre compte des hiérarchies existantes. De plus, il me semblait plus intéressant de me centrer plutôt sur une activité que sur un groupe précis, et sur une activité plutôt connotée. L’airsoft s’est ainsi imposé assez rapidement. Je connaissais cette activité par quelques connaissances, et par les échos des médias. Pourtant, après en avoir discuté autour de moi, je me suis rendue compte que peu de personne savait réellement en quoi consistait ce sport.
Concrètement, l’airsoft est tout à fait comparable au paint-ball. Vêtus de tenues de camouflage et transportant des répliques à billes extrêmement réalistes d’Répliques à feu, les joueurs, qui font généralement partie d’une équipe s’affrontent sur un terrain délimité. Des règles spécifiques et des scénarios sont définis avant chaque partie, et les joueurs, camouflés, doivent tirer sur leurs adversaires avant d’être sortis du jeu. Contrairement au paint-ball l’airsoft se déroule principalement en extérieur et se base sur une honnêteté et un fairplay obligatoire pour pouvoir fonctionner, puisque contrairement aux balles de peinture, les billes de plastiques ne prouvent pas que le joueur est touché, il doit ainsi se dénoncer lui-même. Mais les tenues militaires et les répliques très réalistes donnent mauvaise réputation au jeu. J’ai de ce fait tenté de dépasser mes a aprioris et suis allée rencontrer des joueurs pour qu’ils me montrent ces aspects impossibles à cerner depuis l’extérieur.

Passant par une connaissance pouvant m’orienter vers les bonnes personnes, j’envois un email expliquant ma démarche et mon but au responsable du site « de l’Alliance », hébergeant et regroupant toutes les équipes officielles basées à Genève, sans pouvoir accéder plus loin aux différentes catégories du forum. Je reçois un appel le lendemain de Jeff, le vice-président de l’AGAS, l’association genevoise d’airsoft. Il me propose de le rencontrer dès le lendemain afin de discuter de « cette enquête sociologique ».
Je rencontre ainsi Jeff, 49 ans et gestionnaire de fortune. L’airsoft étant généralement assimilé aux jeunes et aux catégories socioprofessionnelles plutôt moyennes, je ne m’attendais pas à rencontrer quelqu’un comme lui. Après m’avoir demandé pourquoi je m’intéressais à l’airsoft et comment se déroulerait mon travail, c’est-à-dire après m’avoir cernée, Jeff se présente, présente l’airsoft à Genève et son équipe.
Après cette rencontre, il me propose de le rejoindre le dimanche suivant pour une partie organisée en France voisine, afin de rencontrer certains joueurs de son équipe, la TAC, et de voir comment se déroule cette activité.


Démarche et but :
Après cette première rencontre, j’ai pu réfléchir plus précisément à ce que je souhaitais chercher et observer. Ainsi, je voulais comprendre qui étaient les joueurs, ce qui les avait amenés à l’airsoft et ce qu’ils trouvaient dans cette activité. Je voulais observer comment fonctionnait une partie, comment s’organisait les équipes, s’il existait une hiérarchie, des codes spécifiques, comment se comportaient les joueurs entre eux et si les clichés véhiculés étaient véridiques, ou non. L’assimilation entre armée et airsoft étant assez évidente, je voulais voir si les airsofteurs correspondaient aux clichés courants les faisant passer pour des passionnés de guerre violents, xénophobes, homophobes, sexistes, d’extrême droite et nationaliste. En effet, sans avoir observé ou discuté avec les joueurs, je n’aurais sans doute pas pu comprendre ce qu’était réellement cette activité et quel était le profil des joueurs.
Dans cette optique, je me suis rendue compte que les entretiens m’apporteraient plus que les observations. Ainsi, ces dernières sont minoritaires par rapport au nombre important d’interviews (douze).
J’ai par ailleurs décidé de séparer les observations par parties : plutôt que d’observer différentes journées où les joueurs se rencontreraient, j’ai préféré étudier comment fonctionnaient les parties isolées, durant d’une trentaine à une quarantaine de minutes généralement. En outre, les parties organisées n’étant pas d’une régularité absolue, les équipes varient tout le temps et les joueurs des équipes ne sont jamais les mêmes (dans la TAC, il y a plus d’une dizaine de joueurs, mais ils sont rarement tous présents, et à chaque partie les membres varient). Il était alors plus simple et plus intéressant de se focaliser, dans l’observation, sur un même groupe pendant toute une journée, durant différentes parties dont les règles et le déroulement du jeu évoluaient sensiblement. En conséquent, mes observations, bien qu’elles ne s’étalent que sur une seule journée, sont au nombre de sept, soit le nombre de parties jouées ce jour-là.


Observation participante et entretiens :
Observation participante :

Le déroulement d’une partie d’airsoft dépend fortement de la manière dont le jeu est organisé. Dans le cadre d’une partie organisée, sur un terrain autorisé avec un certains nombres de joueurs prévus et identifiés, les différentes équipes définissent avant chaque partie les règles.
Dans le cas de l’airsoft « sauvage », c’est-à-dire sur un terrain non-autorisé ou seulement toléré (comme au CEPTA à Genève) le nombre de joueurs est flou : n’importe qui peut venir et jouer sans qu’un déroulement précis du jeu n’ait été établi. Dans cette recherche, j’ai fait le choix de ne pas observer l’airsoft sauvage.

Néanmoins, et malgré sa liberté de scénario, l’airsoft a un certain nombre de règles communes à tous les joueurs. Un airsofteur touché par une bille doit s’auto-déclarer « out ». Il le crie pendant la partie et quitte le jeu en cours, calmement, réplique levée.
Quand à la suite du déroulement du jeu, celui-ci diffère sensiblement suivant les règles précises ou les scénarios. Parfois, un « médecin », pouvant « soigner » un joueur out en allant vers lui est prévu, une autre variante est de proposer un laps de temps de pause d’une dizaine de secondes dans un lieu défini où le joueur touché devra se rendre avant de revenir dans le jeu (cette variante, tirée des jeux vidéos, s’appelle le respawn). Il y a bien évidemment d’autres variables aussi nombreuses que le nombre de partie, qui sont systématiquement énoncées avant chaque jeu, mais ces quelques aspects sont récurrents et universels.
La présence d’arbitre existe, mais est plus souvent réservée aux grandes parties. De plus, le rôle des arbitres n’est pas de vérifier que les joueurs touchés sortent du jeu, mais d’assurer le bon déroulement du jeu et la bonne application des règles et des scénarios.

Compte rendus des observations
Mise en place du jeu :

Le dimanche de ma rencontre, j’ai pu observer à ma grande surprise un certains nombres d’aspects que je n’aurais pas soupçonné sans avoir été à la rencontre des joueurs.
La partie se déroule en France voisine, dans un grand terrain isolé et rocheux, le « terrain des Russes », l’équipe hôte possédant une autorisation pour jouer sur cet espace.
Il y a trois équipes jouant ensemble ce jour-ci : la TAC, l’équipe que je suis, aujourd’hui représentée par trois joueurs, Jeff que j’avais déjà rencontré, Loïc, 18 ans et collégien et Djé, 24 ans et en formation de pompier ; les VDV, ou les Russes comme ils sont généralement appelés, une équipe formée uniquement de joueurs russes et russophones, communiquant en russe, revêtant la tenue militaire russe et n’utilisant que des répliques d’Répliques russes, au nombre de 4, et les Tigres, que la TAC ne connaît pas vraiment, qui sont 4. Hormis Jeff, tous sont relativement jeunes, de 18 à 30 ans environ et en bonne forme physique. Il n’y a qu’une seule joueuse, faisant partie de la troisième équipe, et qui est en couple avec le leader de cette équipe.

Ayant tous rendez-vous sur le lieu des parties, les joueurs commencent par se saluer tous individuellement, en échangeant quelques mots. Tous se tutoient. La plupart se connaissent déjà, mais certains ne se sont jamais rencontrés. L’absence d’agressivité, alors que les joueurs sont des adversaires, est assez surprenante pour un regard extérieur, mais classique et « naturelle » comme je l’apprendrai lors des entretiens.
Passé ces salutations cordiales, les joueurs s’installent pour installer leur matériel. Restant regroupés par équipes, les joueurs discutent entre eux en se changeant et en préparant leurs répliques. La préparation se fait dans le calme, dans l’autonomie, le respect et le silence. Les joueurs chargent leurs répliques, les testent et pestent si elles ne fonctionnent pas comme prévu. Si un joueur a un problème, un autre viendra l’aider. Plus le temps passe, plus les contacts inter-équipes sont nombreux : les joueurs comparent leur répliques, expliquent leurs problèmes, parlent des nouveautés.
Peu pressés, les joueurs terminent de se préparer quand le leader de l’équipe hôte les invite à commencer.


1)Echauffement
Alexey, le leader des VDV, donne les règles pour la partie d’ouverture. Souhaitant « commencer tranquille », une partie d’échauffement toute simple est décidée. Pas de vie supplémentaire, le but est de se mettre en condition. Les équipes sont réparties et le terrain détaillé. Les trois équipes s’orientent finalement dans trois directions opposées et se mettent en place. Disparaissant peu à peu, je reste seule avec mon gilet orange d’arbitre dans un coin relativement isolé me permettant néanmoins d’observer globalement le déroulement de l’échauffement.
Les joueurs sont cachés derrière des rochers, derrière des arbres, et cherchent leurs adversaires. Les premiers joueurs touchés crient « out » et sortent de leur planque tranquillement, les bras et la réplique levés, pour se rejoindre sur une partie neutre du terrain. Les joueurs restant semblent s’amuser, on entend des rires, des cris de surprises, ils ne cherchent pas encore à jouer stratégique. Peu compétitifs, les joueurs adverses rient ensemble, par exemple lors d’un coup évité.
La plupart des joueurs étant éliminé, ceux-ci pressent les joueurs restant de finir le jeu, afin de revenir dans la partie. Ils regardent l’avancée du jeu d’un œil distrait, discutent sur leur matériel et attendent calmement. Tous les joueurs de toutes les équipes sont réunis, aucune agressivité ou compétitivité n’est apparente. Finalement, après une dizaine de minutes de jeu, et deux joueurs restant, la fin de l’entraînement est avortée afin de débuter une nouvelle partie.
Les deux derniers joueurs sortent de leur cachette et échangent avec les autres airsofteurs. Une pause est déclarée, durant laquelle les joueurs rechargeront leurs répliques.

2)« Attaque-Défense »
Puis le même déroulement se répète : les joueurs sont réunis sur le terrain, les nouvelles règles et le scénario sont établis. Si Alexey prend en main le déroulement global de la journée, les autres joueurs sont tout à fait libres de proposer des règles ou un scénario. La première vraie partie sera une « Attaque-Défense », où une équipe, les Tigres, seront rassemblés dans une « base », et les deux autres devront prendre la base en éliminant ses joueurs. Un médecin est accordé à chaque équipe, et les VDV et la TAC jouant ensemble en attaque décident de se séparer par équipe et d’avancer chacun d’un côté différent du terrain. Contrairement à l’entraînement, le ton devient plus sérieux.
Je décide, pour cette fois, de suivre la TAC sur le terrain et de ne pas rester une observatrice globale et extérieure.
Les trois joueurs semblent déjà plus sérieux que lors de l’échauffement. Ils rampent, escaladent des rochers, s’entraident pour ceci, et font des gestes pour communiquer, afin de rester silencieux et invisibles. Ma présence n’a pas l’air de les gêner particulièrement, ils m’aident à suivre leur rythme mais me conseille néanmoins de rester silencieuse et en arrière-plan, mon gilet orange n’étant pas très discret. Djé se place en avant, suivi de Jeff puis de Loïc. Jeff, sans doute de par son âge et de par son expérience, est celui à l’origine de la plupart des décisions. Ses conseils et propositions sont écoutés et acceptés sans protestations. Bien qu’il ne soit pas le leader de l’équipe, celui-ci étant absent ce jour-là, son statut « d’ancien » donne à sa parole un poids supplémentaire. Loïc, le plus jeune, est tout à fait respecté, mais ne s’impose pas dans le déroulement de la partie. S’il prend parfois des initiatives, elles restent relativement rares et ne concernent pas l’équipe dans sa globalité. Djé joue de manière plus impulsive, et semble être pressé de voir le jeu s’accélérer.
Après une dizaine de minutes de jeu, Jeff se fait toucher et prononce le classique « out », suivi cette fois de « médic ! » et revient dans le jeu quelques secondes après grâce à cette règle qui permet au joueur désigné médecin (en l’occurrence, Djé) de « soigner » des joueurs. La TAC est protégée par des rochers relativement hauts, ils rampent désormais à terre et ne sont plus accroupis. La partie s’accélère lorsque les Russes deviennent très offensifs, monopolisant l’attention de l’équipe de défense, permettant à la TAC de se rapprocher davantage de la base. Les joueurs se tirent dessus et la défense tombe peu à peu. Les VDV crient à l’intention de la TAC « il n’en reste plus qu’un, il est derrière l’arbre à gauche ». Enfin en position supérieure, les attaquants n’ont plus besoin d’être silencieux et tactiques, et peuvent courir vers le joueur restant, qui se fait rapidement toucher. « Fin de partie » crie un joueur. Les airsofteurs encore en jeu et out sortent, se regroupent dans le terrain neutre, se félicitent tous, qualifient le jeu de « belle partie », et évoquent certains moments clefs, le tout sans animosité mais plutôt sur un ton humoristique.
A nouveau, une pause cigarette-matériel est décrétée. Les équipes, auparavant relativement séparée, commencent à se mêler davantage. Les discussions inter-équipes sont omniprésentes et tous s’entraident.

3)Le bâton
Encore une fois, après la pause, les joueurs sont réunis par Alexey pour une nouvelle partie. Le même rituel apparaît : les joueurs sont réunis au même endroit, en cercle, pour discuter de la partie suivante. Chacun peut proposer un scénario, mais lors de cette journée, chacun est arrivé avec une idée précise de ce qu’il avait envie de faire et il n’y a pas eu d’attente.
La troisième partie apparaît comme étant plus difficile : les trois équipes sont toutes adversaires, et le joueur réussissant à rester à côté d’un bâton dressé au sommet d’un talus de roches (à gauche du terrain, à gauche de la colline), fera gagner son équipe.
Il n’y a pas d’affrontements ni de conflits réels. Les joueurs s’amusent véritablement, et rient. Il n’y a pas de tentation de vengeance et la phrase « tu m’as bien eu » est très fréquente. C’est essentiellement l’aspect ludique qui ressort : il n’est pas question de jouer à la guerre dans ce que celle-ci implique. Pas de stratégie guerrière, pas de prises de têtes, pas de valorisation de la violence, les frontières sont très claires et l’airsoft est perçu comme un jeu « virtuel ». Les joueurs s’excusent, sur le ton de la blague, lorsqu’il en touche un autre.
Puis, arrivée la « fin de partie », les joueurs se réunissent et rendent compte des moments intéressants de la partie.

Durant la pause de midi, tous les joueurs se réunissent pour manger ensemble. Ils partagent nourriture et boissons. Ils continuent à parler d’airsoft, des parties précédentes, des autres terrains, des autres joueurs, des démarches administratives compliquées à Genève, mais ne parle pas d’autres sujets. L’ambiance est bonne et à la rigolade. Les joueurs les plus présents sur le terrain le restent pendant la pause, alors que ceux qui étaient en retrait restent effacés pendant le repas, regardant et écoutant les conversations. Je n’observe pas de changement de personnalité hors partie.

4)Confrontation directe
Après le rituel de définition de la partie suivante, suivant toujours le même cheminement, et pour la première fois de la journée, les trois équipes sont mélangées pour donner lieu à deux équipes. La partie sera une confrontation directe, où les deux équipes seront cachées derrières les tranchées naturelles que sont la colline et les rochers sur la largeur du terrain. Une respawn de 15 secondes est appliquée, et pour que la partie ne dure pas éternellement, le temps est limité à trente minutes.
Les joueurs coopèrent, se couvrent, se protègent. L’individu passe au second plan, ce qui importe, c’est de faire gagner l’équipe.
A la fin et comme à chaque fois, les joueurs se congratulent et font le bilan de la partie.

5)La bombe
Le rituel de l’explication des règles se répète : cette fois-ci, le but du jeu consiste à désamorcer une bombe qui explosera après 30 minutes. Il y a à nouveau deux équipes et non trois, ce qui signifie que les équipes sont mélangées. Une respawn est appliquée. Le jeu est assez offensif, la prise de risque est plus forte, les tirs plus nombreux. Les équipes se rapprochent vite, la coopération est forte. D’ailleurs, la bombe sera désamorcée avant la fin du temps, car l’organisation des équipes étaient très bonne. La partie se termine également par un bilan positif de tous les joueurs.

6)L’otage
Cette partie là est un peu différente, car le scénario est plus complexe. Il s’agit d’échanger un otage contre une mallette « remplie d’argent », l’équipe ayant en sa possession les deux gagnera la partie. A nouveau, c’est un affrontement à deux équipes. La personne désignée comme étant « la journaliste prise en otage » apparaît logiquement comme étant moi-même. Même si je ne souhaitais pas participer au jeu, pour garder un point de vue le plus extérieur possible, participer à cette partie tout en restant totalement passive me permettait d’avoir une vision encore plus interne et précise de l’airsoft. Ainsi, les deux équipes se séparent et se retranchent comme dans la partie numéro 4. Après m’avoir protégée d’un gilet pare-balles, je deviens l’otage de l’équipe des Russes. Il n’y a ni médecin, ni respawn.
Une fois les équipes prêtes, les deux parties et moi-même avançons sur la plaine. Nous savons pertinemment que les canons des répliques sont braqués sur nous pendant les négociations. Nous avançons chacun d’un pas. Alexey maîtrise la négociation : « tu avances d’un pas », « tu approches la mallette », mais Loïc, qui tremble, hésite, pour finalement obéir et négocier mon relâchement. Au moment où Loïc pose la mallette, Alexey lui tire dessus, avant de se faire toucher. Je me retrouve donc seule au milieu de la plaine, avec la mallette à côté de moi, cernée par les tirs, mon ravisseur « mort » et « mon sauveur » également.
Le jeu continue d’évoluer de nombreuses minutes, et une fois à l’abri, je regarde le déroulement de la partie.
A la fin, et encore une fois, les joueurs échangent leurs impressions, les sentiments, reviennent sur les moments forts, avant d’entamer l’ultime partie. Tous viennent vers moi me féliciter d’avoir fait « un très bon otage » et me demande si tout s’est bien passé. Fait miraculeux, étant pourtant au centre du terrain et des échanges de billes, je n’ai absolument pas été touchée.

7) Vampire
Les équipes sont à nouveau mélangées et séparées en deux pour appliquer le scénario « vampire ». Celui-ci implique des règles différentes de celles récurrentes : il n’y a pas de médecin, ni de respawn, ni de mort, mais chaque joueur touché passe à l’équipe adverse. Une fois qu’il n’existe plus qu’une seule équipe, le jeu est terminé.
L’application du jeu apparaît comme peu claire pour certains, qui oublient pour quelle équipe ils jouent.

A la fin des parties et de la journée, les joueurs se regroupent pour faire une photo collective. Les joueurs des différentes équipes se mélangent, posent ensemble, souriant, satisfaits de la journée, sans rancune ni frustration.
Les joueurs, comme à leur arrivée, rangent dans le calme leur équipement, mais discutent plus librement et plus joyeusement. Une fois prêts, ils se saluent tous de manière très amicale.


Réflexions et analyse des observations
Après cette journée passée avec des joueurs d’airsoft, je suis arrivée à certaines réflexions.
Concernant le rituel des parties, bien que rien n’ai été officiellement codifié, j’ai pu observer un certains nombres d’aspects revenant régulièrement, permettant de souder les joueurs et de favoriser leur socialisation :
-La salutation de chaque joueur, à l’arrivée comme au départ des participants. Tous prennent soin de saluer au moins cordialement, si ce n’est très amicalement, les autres joueurs, qu’ils fassent partie de la même équipe ou de l’équipe adverse. Ces moments sont des moments clefs, car ce sont eux qui scellent la rencontre. En ouvrant sur une mauvaise note, ou en terminant la journée sur une amertume, les relations inter-équipes risquent de se dégrader, ces moments-là sont ainsi extrêmement importants. Ils semblent avoir pour mission implicite de montrer le respect que les joueurs ont d’autrui, de favoriser la socialisation (puisque même les joueurs taciturnes se plient à ce protocole) et d’encourager la camaraderie.
-La préparation du matériel comme son rangement, s’ils n’ont pas de rôle social évident, et semblent logiques pour le jeu, ont aussi comme fonction dérivée de favoriser la conversation entres les joueurs. Nouvelles répliques, customisation, problèmes… les airsofteurs échangent et s’entraident, développant des liens amicaux dépassant le simple rapport inter-joueurs.
-La réunion pré et post partie est sans doute l’exemple le plus frappant du rituel socialisateur. Le rassemblement avant la partie a essentiellement pour but de bien définir le déroulement du jeu, et est obligatoire. Plutôt formel et sérieux, ce moment permet de rappeler les règles, d’identifier les équipes et les joueurs, et de choisir le scénario de la partie. Il implique nécessairement un échange entre les joueurs, et provoque régulièrement un mélange des équipes. Les interactions post-parties, quant à elles, ne servent théoriquement pas au jeu et sont nettement plus ludiques et informelles. Cependant, ce bilan apparaît comme crucial pour bon nombre de joueurs : échanger leurs impressions, féliciter les autres, recevoir des compliments ou parfois même des conseils leur permettent de se situer dans le groupe et d’assurer leur rôle dans l’équipe et dans le jeu. Les conséquences de cette interaction sont multiples : améliorant le moral des joueurs, favorisant la camaraderie ou encore relâchant la pression due au stress de la partie, ce moment est sans doute celui qui inscrit le plus l’airsoft comme étant un jeu basé sur le respect et la camaraderie et non sur la violence et la compétition.

Quant aux rôles des joueurs dans les équipes, j’ai été surprise de voir qu’effectivement, aucune hiérarchie militaire n’était présente. Les joueurs ont officiellement tous le même statut, même s’il y a un leader, qui a pour rôle de représenter l’équipe à l’AGAS.
Cependant, si les joueurs n’ont pas de rôles assignés, on observe néanmoins qu’ils n’ont pas tous le même statut, mais que des micro-disparités existent. Age, expérience, milieu social, ancienneté, sexe etc., quel aspect peut influencer les rapports entre les joueurs ? Pourquoi, alors qu’une organisation des joueurs de type militaire aurait été prévisible mais est pourtant absente, les joueurs se placent harmonieusement dans une micro-hiérarchie ?
-Le sexe et l’origine ethnique n’ont apparemment pas d’influence, ceci pouvant être dû au fait que dans les équipes observées, les joueurs étaient tous caucasiens et à majorité masculine. Pourtant, une joueuse était présente, et personne ne l’a stigmatisée pour cela, et l’équipe hôte était la VDV, une équipe entièrement russe et revendiquant cette appartenance culturelle. Si des élans xénophobes venant d’un camp comme de l’autre étaient présents, la journée ne se serait sans doute pas passée aussi harmonieusement.
-Le milieu social et la catégorie socioprofessionnelle sont gommés par l’uniforme et par le pseudo, et les équipes étant très hétérogènes, ceux-ci ont une importance négligeable.
-Les joueurs de la TAC présents ce jour-là étant tous plus ou moins fondateurs de l’équipe, l’ancienneté n’apparaît pas comme une raison expliquant ces quelques différences.
-L’âge, finalement, semble être un facteur important : Loïc semble avoir moins de poids que ses partenaires plus âgés. Pourtant Djé, s’il prend davantage les devants, n’a pas un rôle bien différent de celui de Loïc. Ce qui apparaît comme justificateur de ces disparités presqu’invisibles est bien l’expérience. L’expérience de jeu, dans l’airsoft, mais également l’expérience de vie, puisqu’une personne plus mature, ayant vécu plus de choses, aura un statut de « sage », et jouant de manière plus intelligente et moins impulsive, ce qui est particulièrement valorisé dans des scénarios comme ceux des parties 2, 5 et 6. D’ailleurs, ce n’est pas sans raison que Jeff est le vice-président de l’AGAS et que c’est généralement lui qui négocie avec les autorités quant aux autorisations de jouer sur des terrains, notamment au CEPTA.
-Enfin, il en faut pas négliger la personnalité propre à chaque joueur. En effet, certains individus, plus sociaux, plus réfléchis et plus extravertis auront naturellement une position plus forte au sein de l’équipe, mais surtout au sein de l’inter-équipe. C’est notamment le cas d’Alexey, qui m’a apparu comme étant le leader naturel de l’équipe, essentiellement de par sa personnalité. Le fait qu’il parle aussi parfaitement français, contrairement à d’autres membres de l’équipe plus à l’aise en russe l’a sans doute poussé à remplir ce rôle.

Pour finir, il me semble important de revenir sur cette notion de fairplay et de non-violence chères aux joueurs d’airsoft. Comment ce fairplay et ces valeurs sont-ils illustrés pendant une partie ? Si, après les nombreux entretiens réalisés, j’ai pu observer un attachement répété à certaines valeurs comme le respect, je voudrais examiner comment celles-ci peuvent s’observer durant le jeu.
-Tout d’abord, le fait que tout le monde se tutoie implique immédiatement un rapprochement entre les joueurs. Tout le monde s’appelle par son pseudo et se tutoie, même lorsque deux joueurs se rencontrent pour la première fois. Ceci montre que les joueurs sont tous considérés comme égaux, puisque même les plus âgés sont tutoyés.
-la plupart des rituels décrits plus haut sont des incarnations de l’importance du respect essentiel pour les airsofteurs. Salutations, compliments, valorisation, entraide, conversations… Ces aspects lient profondément les joueurs entre eux et participent à la création d’un rapport sain et respectueux, où la violence n’a pas lieu d’être.
-La non-violence apparaît assez fréquemment pendant le jeu. Certes, le fait de se tirer dessus avec des répliques à air comprimé n’est pas l’action la plus pacifiste, néanmoins, dans la mesure du possible, les douleurs cherchent à être évitées. Quand la distance est faible et qu’un joueur sait qu’il va toucher sans problème son adversaire, il préfère généralement lui dire « t’es out » que de lui tirer dessus. De plus, les parties sensibles telles que la tête sont généralement évitées.
-La camaraderie est extrêmement importante : les équipes opposées n’ont pas de comportement agressif entre elles, les quelques rares insultes sont proférées comme blague. L’appartenance à une équipe est perçue comme une sous-catégorie à l’appartenance aux joueurs d’airsoft. Tous discutent amicalement.
-Enfin, les joueurs n’ont pas compté les points. Les équipes sont souvent mélangées, le but est de s’amuser et non de savoir quelle équipe est la meilleure
-Le respect de la nature est très important pour les joueurs. Jouant souvent en plein air, que ce soit dans une carrière, mais également dans la forêt, la montagne ou au bord d’une rivière, les joueurs ne veulent pas abimer leur environnement. Lors de ce dimanche, bien que chacun avait amené son pique-nique, je n’ai vu absolument aucun déchet rester sur place. De plus, nombreux sont les joueurs utilisant des billes biodégradables, à base d’amidon de maïs, de résine ou d’orge par exemple, pour ne pas laisser une empreinte néfaste pour la nature.
-Bien que cela ne soit pas arrivé pendant ma rencontre avec les autres joueurs, lorsqu’une partie est organisée en extérieur, sur un terrain pouvant être confronté aux regards des passants, la partie est systématiquement suspendue si un promeneur entrent dans une zone de jeu. Les joueurs vont généralement à sa rencontre, lui explique ce qu’ils font, et attendent qu’il s’en aille pour continuer la partie.

Ces observations m’ont permis d’avoir une vision déjà plus objective et plus proche de la réalité de l’airsoft. Mes aprioris se sont rapidement envolés, et j’étais d’autant plus curieuse de rencontrer personnellement les joueurs, afin de cerner leur personnalité et voir s’il existait un profil récurrent. Ainsi, la partie suivante de mon travail portant sur les douze entretiens réalisés me semble être le cœur de mon étude et la source de mes conclusions.

Entretiens :
Mise en place de l’entretien et thèmes abordés
Le moyen le plus simple pour entrer en contacts avec les joueurs d’airsoft est le même procédé que j’avais utilisé initialement. Le forum internet de la TAC, qui héberge également des sections pour d’autres équipes. Une fois mon compte créé, j’ai posté un message demandant aux volontaires de me contacter. J’ai obtenu un nombre de réponses favorables très importants, ce qui m’a surprise. J’ai pu ensuite poser mes questions à des joueurs très différents, âgés de 15 à 49 ans et issus de tous les milieux.
Après des questions générales, servant à évaluer le profil de base du joueur (depuis combien de temps la personne joue, à quelle fréquence, comment a-t-il découvert ce sport etc.), je me suis intéressée au rapport du joueur avec les lois sur l’airsoft et sur l’airsoft sauvage, ensuite aux relations avec les autres joueurs, puis les avantages perçus dans la pratique de l’airsoft, en passant par l’orientation politique, la violence, la guerre et les jeux vidéos, pour finir avec le rapport entretenu avec leur entourage ne pratiquant pas l’airsoft.
Les questions sont généralement ouvertes, ce qui m’a permis d’avoir des réponses plutôt détaillées et très complètes. Les airsofteurs étant ravis que l’on s’intéresse à eux et à leur sport, ils essayent vraiment de montrer qu’ils ne sont pas le stéréotype de l’homme sexiste, xénophobe, d’extrême droite et hyper violent. J’étais toutefois, pendant les entretiens, tout à fait consciente de la désirabilité sociale présente dans l’interaction questionné-questionneur, et ai essayé de rester la plus objective possible.

Compte rendus croisés des entretiens
Profil-type

Sur les douze personnes rencontrées, onze sont des hommes. Ayant de 15 à 49 ans, la majorité des joueurs sont ont plutôt entre 20 et 30 ans (6/12), et dans le monde de l’airsoft en général, les joueurs ayant plus de 40 ans sont plutôt minoritaires. La plupart des personnes interrogées m’ont dit pratiquer l’airsoft depuis un peu plus de trois ans, mais j’ai rencontré des joueurs pratiquant depuis moins de temps (un an), et depuis bien plus de temps (plus de dix ans).
Hormis quelques individus intéressés par les Répliques, par le tir ou le paint-ball et ayant découvert l’airsoft de cette manière, les joueurs ont débuté dans le milieu par le bouche à oreille. Finalement, la plupart des sujets interrogés joue dans une équipe et participent à des parties organisées, mais passant par le forum d’une équipe, je sais d’avance que je rencontrerai des personnes jouant dans un cadre officiel et ne pratiquant pas ou plus l’airsoft sauvage, alors que ce type de joueurs est assez fréquent.
Tous ont décrété jouer très régulièrement à leurs débuts, de une à deux fois par semaine, mais cette fréquence s’est amenuisée avec le temps. Cependant, il m’est impossible de tirer des généralités sur la fréquence de jeu, puisque cela dépend des joueurs : certains continuent à jouer presque une fois par semaine, d’autre une fois par trimestre et moins souvent. Néanmoins, tous continuent à rester en contact avec le monde de l’airsoft, notamment par le forum.
Concernant les dépenses pour l’airsoft, difficile de trouver une constante : les joueurs plus âgés et gagnant bien leur vie, et passionnés par l’airsoft sont prêts à dépenser jusqu’à 1000 francs suisses par trimestre, mais les jeunes et les joueurs moins réguliers investissent environ 200 francs. Ce sont essentiellement les répliques qui coûtent cher, et les joueurs, dans l’obligation de les commander à l’étranger, dépensent souvent un gros montant en une seule fois (réplique, mais aussi accessoires, billes, tenues etc.) pour minimiser les frais de port. Les dépenses ne sont ainsi pas régulières.
Les catégories socioprofessionnelles sont assez largement représentées, mais tous sont issus généralement des classes moyennes aux classes moyennes supérieures.
Tous respectent au maximum les lois et souhaitent faire évoluer l’image de l’airsoft auprès des autorités et du grand public. S’ils pensent que l’airsoft sauvage à Genève est inévitable car les lois sont trop restrictives, ils pensent qu’interdire aux mineurs de jouer est une bonne chose, car un joueur n’ayant pas la maturité nécessaire à la pratique de cette activité ne fera peut-être pas correctement la distinction entre jeu et réalité, et les répliques étant visuellement identiques aux Répliques réelles, il ne semble pas sain pour les joueurs interrogés de laisser des adolescents les utiliser sans supervision. Comme l’explique TiTaz : « C’est une bonne chose. Il faut éviter tous débordement avec des répliques, c’est quand même quelque chose de dangereux. Il faut restreindre leur accès, ça peut permettre d’éviter des drames, interdire aux mineurs d’acheter des réplique limite la casse, même si dans les faits ça ne les empêche pas vraiment ».
Tous disent avoir des relations « amicales à très amicales et respectueuses » avec les autres joueurs, qu’ils soient dans leur équipe ou non, et mettent très en avant cette notion de fairplay.
Quand aux joueurs marginaux (les femmes et les joueurs plus âgés ou plus jeunes), si certains admettent jouer plus doucement lorsqu’ils sont face à des filles, les autres disent ne pas se comporter véritablement différemment avec eux, et voient leur présence comme quelque chose de positif et apportant une diversité au sein du jeu.
Les valeurs leur plaisant dans l’airsoft sont récurrentes : camaraderie, respect d’autrui et importance du fairplay. Certains perçoivent une forme de communauté entre les joueurs d’airsoft.
La plupart apprécie la combinaison entre sport physique et stratégie présente dans l’airsoft, et également le fait de pouvoir jouer en plein air. Russoswiss, membre des VDV, le résume : « J’aime le jeu en équipe, j’aime ce côté là, se retrouver un weekend sur deux ou sur trois dehors, à s’amuser avec d’autres gens, j’aime bien aussi le côté simulation action militaire, ça ne veut pas dire que je veux faire la guerre en vrai, mais ça permet de bien s’amuser et de courir dehors plutôt que de rester chez soi un samedi matin ».

A part certains joueurs français et l’unique joueuse, la grande majorité a fait son service militaire et la plupart d’entre eux ont gradé. Néanmoins, l’avis général concernant les guerres est que cela n’est pas une solution, mais que les missions pour préserver la paix sont parfois nécessaires.
Quant à l’orientation politique, la plupart votent. Rares sont ceux se revendiquant d’un parti en particulier, mais on peut observer plutôt une tendance de droite.
Certains disent jouer aux jeux vidéo de guerre, mais ils ne sont pas majoritaires.
A la question « l’airsoft est-il un sport violent ? » tous ont répondu non, et ne se considère pas violent. S’ils admettent que le fait de tirer sur quelqu’un d’autre parait hostile et violent, ils précisent tous que le but n’est pas de faire mal, et que l’airsoft est sans doute moins violent que le rugby ou que le football.
Aucun des individus interrogés ne cachent leur activité à leur entourage (famille, amis, compagne). Cependant, on peut observer deux catégories : ceux qui disent ne pas trouver cette activité suffisamment captivante pour en parler régulièrement avec leurs proches, pensant que cela ne les intéresse pas et ne cherchant pas à leur faire découvrir spontanément cette activité (bien que fréquemment dans les réponses, les joueurs appartenant à cette catégorie apprécierait de jouer avec leur entourage si celui-ci le demandait), et la catégorie de ceux en parlant régulièrement avec leurs proches et ayant souhaité leur faire découvrir l’airsoft.
Aucun ne dit s’être senti particulièrement stigmatisés pour leur pratique, mais communément tous sont conscients que cette activité est mal perçue. Si leurs proches acceptent leur passion, leurs quelques remarques négatives se résument par « tu joues à la guerre », « t’es un peu barjot », « mais c’est violent comme sport ! ». Souhaitant tous changer cette image « du mec raciste d’extrême droite hyper violent » comme l’a dit Jeff, ils souhaiteraient tous montrer que ce sport n’est pas violent, ultra fairplay, et surtout ludique, et invitent chaque personne à venir voir sur le terrain comment se passe réellement une partie d’airsoft.


Réflexions et analyse des entretiens
Vu comme cela, l’airsoft paraît un modèle de respect : basée sur le fairplay, petite communauté, acceptation d’autrui et valorisation des meilleurs pour ses qualités sportives, tactiques ou sociales, la réalité de cette activité est très éloignée des stéréotypes communs.
Comme répété de nombreuses fois, les valeurs communes sont le respect, la camaraderie et le fairplay.
Revenant sur les pistes de réflexions avancées dans la partie « observations », j’ai constaté qu’effectivement, il n’y avait pas réellement de hiérarchie, bien que les joueurs ne puissent être tous totalement égaux. Les joueurs les plus influents ne le sont pas pour leur origine sociale, comme l’ont expliqué la plupart des joueurs. Le fait d’utiliser des pseudos et des uniformes permet aussi de gommer les différences, bien que la majorité des joueurs sache qui ils sont « dans la vraie vie ». Je n’ai pas observé d’envie ni de remarques négatives quant à la catégorie socioprofessionnelle des individus parmi les joueurs, bien que certaines répliques coûtent très cher. Les joueurs prenant le déroulement du jeu en main, et ceux qui sont le plus écoutés par les autres le sont de par leur expérience dans l’airsoft : un joueur de 25 ans mais pratiquant l’airsoft depuis 6 ans sera plus mis en avant et plus valorisé qu’un joueur de 35 ans mais débutant. Comme l’explique Djé : « Le leader sur papier c’est Yako, mais dans la réalité il y a pas de vrai leader. Si Jeff vient, non seulement c’est le plus vieux et il a plus d’expérience, donc on va plus l’écouter que Loïc par exemple, mais il y a pas de leader propre, chacun a son mot à dire. On a choisi Yako comme leader, parce que pour rentrer dans l’AGAS il fallait un leader. »
L’airsoft valorise les qualités de chacun : si un joueur est impulsif et fonceur, on le laissera se mettre en avant, et oser affronter l’adversaire rapidement, comme c’est le cas pour. L’équipe contera sur l’expérience et la sagesse d’un joueur plus âgé lors des scénarios tactiques ou des rapports aux autorités. Un airsofteur qui est mécanicien par exemple sera valorisé pour ses compétences techniques. Les joueurs apprécieront les qualités d’organisation de l’équipe de quelqu’un rentrant de l’armée. Chaque individu est mis en avant au sein de l’équipe pour ses compétences et pour ses capacités. Les joueurs novices seront entourés et conseillés par les anciens.
L’égalité totale ne peut exister dans l’airsoft, comme dans la vie quotidienne. Certains joueurs sont plus appréciés que d’autres, certains sont plus respectés que d’autres. Mais ce qui assied la réputation et le statut d’un joueur ou d’une équipe, c’est sa performance et ses valeurs. La TAC, par exemple, est une équipe très appréciée des autres. Le groupe est hétérogène, en termes d’âge, de sexe (l’équipe compte deux joueuses), de classe sociale et d’expérience de terrain. Pourtant, l’équipe fonctionne est les joueurs semblent satisfaits d’en faire partie.
Les joueurs sont tous différents et on ne peut que constater des tendances récurrentes. Pourtant, tous sont liés par la passion de cette activité et de ce fait, tous s’entendent bien. Les rencontres hors airsoft sont relativement rares, les joueurs ne sont pas particulièrement proches en dehors de l’activité, et leur sujet de discussion favori reste lié à l’airsoft. Chacun voit dans ce sport une possibilité d’évasion, de se couper du monde réel pendant une journée avec des personnes qu’ils ne voient pratiquement que lors des parties. D’ailleurs, la frontière entre fiction et réalité est très bien perçue par tous les joueurs interrogés. Tous perçoivent l’airsoft comme une activité comme une autre, et respectent les lois interdisant le port en publique d’Répliques factices comme le port complet de la tenue militaire.
Si la plupart pensent être jugés par la société, ils n’en tiennent pas compte.

Pourtant, pourquoi les joueurs ne parlent-ils pas davantage de l’airsoft autour d’eux ? Pourquoi ne mettent-ils pas en place des évènements de type « portes ouvertes » pour changer la perception des gens et éventuellement, faire de nouveaux adeptes ? Pourquoi utiliser des pseudos ? Pourquoi restent-ils dans une interaction semi-virtuelle ?
Grâce aux entretiens et à ce que j’ai pu observer, cet aspect communautaire, très présent sur internet semble plaire aux joueurs. A la fois, l’implication dans l’airsoft est grande, en termes d’argent, mais également de temps, qu’il soit passé à jouer, mais passé sur le forum, et pourtant, les joueurs ne développent pas réellement de vraies relations d’amitié ancrées dans la réalité. Certes, des rencontres hors airsoft sont organisées comme des repas ou des sorties, mais les joueurs ne cherchent que rarement à faire évoluer leurs relations. Cependant, beaucoup d’équipes sont formées de personnes étant initialement amies, et l’airsoft apparaît alors comme un moyen supplémentaire de partager une activité avec ses proches.
Concernant l’absence de développement réel et public de l’airsoft, tout pousse à croire que les joueurs aiment cet aspect secret et réservé aux initiés. Ne cherchant pas à transformer l’airsoft en activité grand public, ne parlant pas tous ouvertement de cela à leur entourage, proche ou éloigné, les airsofteurs préservent cette partie là de leur vie. Moment privilégié dans leur emploi du temps, la partie d’airsoft permet aux joueurs de s’évader du quotidien, de laisser de côté leurs préoccupations, et pourquoi pas, de se prendre pour quelqu’un d’autre. Mélange entre sport et tactique, l’airsoft est avant tout un jeu de rôle. D’ailleurs, des parties reproduisant des grands conflits, comme ceux de la Seconde Guerre Mondiale ou de la guerre d’Irak font entrer les parties d’airsoft dans la reconstitution historique. Et plus simplement, des scénarios comme l’échange d’otage ou la bombe sont très réalistes.
Se diffusant par bouche-à-oreille et sur internet, par le biais de forum, mais aussi de vidéos, l’airsoft semble véritablement être monde à part, réservés aux joueurs. Pourtant, et vu la facilité d’accès et de contact que j’ai eu avec les joueurs rencontrés, les airsofteurs ne sont pas centrés sur eux-mêmes ni autarciques. La plupart encourage d’ailleurs les curieux à prendre contact avec eux, et cherchent à prouver à leurs proches sceptiques que cette activité n’est pas plus violente, physiquement ou verbalement, qu’un sport traditionnel comme le football.


Bilan et conclusion :
Je dois admettre que très rapidement, mes aprioris forcément présents se sont envolés. Je ne voulais pas qu’ils rentrent en compte dans mes observations, aussi je me suis toujours efforcée de rester la plus objective possible. Je n’ai pas immédiatement dévoilé mon avis sur l’airsoft aux joueurs, sans toutefois leur mentir lorsqu’il me demandait ce que je pensais de leur activité. Très vite, après quelques dizaines de minutes passées dans ce milieu, je me suis rendue compte que l’image dont souffrait l’airsoft ne reflétait pas la réalité. Dans l’équipe que j’ai suivi, la TAC, les joueurs sont tous respectueux et surtout calmes. Certains disent aimer jouer offensif, mais restent correctes avec leurs adversaires, et une fois en dehors du terrain, ils se comportent de manière très amicales avec tout le monde.
Je n’ai pas pu observer tous les aspects de ce monde particulier relativement complexe, mais ai pu néanmoins briser les clichés habituels que j’avais en tête. Respectueux, non-violents, ouvert à tous, l’airsoft et ses joueurs ne ressemblent pas à leurs stéréotypes. Bien sûr, il existe des joueurs xénophobes, adepte de la violence et extrêmement nationalistes, mais ils sont généralement rares. Je pensais également trouver une majorité de jeunes à très jeunes, soit de 15 à 20, mais en fait, et c’est sans doute lié aux lois en vigueur, les joueurs ont généralement autour de 25 ans. Ils ne partagent pas d’idéologie commune, mais des valeurs communes, et prônent tous le respect d’autrui.
Sans avoir rencontré les joueurs, sans avoir discuté avec eux, sans avoir cherché à les connaître, et sans être allée sur le terrain pour observer le déroulement des parties, je n’aurais certainement pas pu me rendre compte de ces aspects. Finalement, et cela semble assez paradoxal, l’airsoft et ses scénarios guerriers et ses Répliques factices sembleraient bien être un centre de respect et de fairplay qui manquent de plus en plus dans certains sports plus communs.
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Message  Ozstrik Mer 5 Jan - 17:17

Ah si les Alphas pouvaient lire ca ^^...
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Message  Kap's Mer 5 Jan - 20:36

J'ai pas tout lu, mais sa a l'aire carrément interessant!
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Message  Chopper Mer 5 Jan - 21:09

ça fait plaisir de voir que des personnes acceptent de mettre de coter leurs préjugés pour découvrir ce qu'on fait vraiment.

Je ne prône pas l'ouverture de l'airsoft au grand public, mais un peu de reconnaissance positive serait bienvenue.
Avec notre équipement "militaires", et après les excès de certaines personnes (braquages, etc...) notre activité est vraiment mal vue....

je me demande si l'étude de cette courageuse personne sera publiée...
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Message  Kap's Mer 5 Jan - 21:18

Oui, en tout cas dès que j'ai le temps je la poste sur tous les forums!
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Message  Kaiser Mer 12 Jan - 19:07

"Finalement, et cela semble assez paradoxal, l’airsoft et ses scénarios guerriers et ses Répliques factices sembleraient bien être un centre de respect et de fairplay qui manquent de plus en plus dans certains sports plus communs."

Je trouve cette phrase super!! et surtout extrement vrai.

Sinon merci a Djmednatt pour ce super article, que je vais envoyer a beaucoup de gens de mon entourage
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Message  [cartouche] Dim 16 Jan - 18:41

C'est une très belle étude sur l'airsoft, je baisse mon chapeau devant celle qu'il la réalisé. Smile
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